CINETIQUE DE LA LESION CARIEUSE DENTINAIRE
Introduction :
Alors que l’émail, produit de sécrétion très fortement minéralisé, est acellulaire, la dentine est un tissu conjonctif minéralisé mais avasculaire, à la différence de l’os. La dentine constitue donc un tissu vivant ; elle est traversée sur toute son épaisseur par des tubules renfermant des prolongements cellulaires dont le corps est situé en périphérie du mésenchyme pulpaire. Aussi parle-t-on le plus souvent du « complexe pulpo-dentinaire ». Du fait de ces particularités anatomiques histologiques et physiologiques, toute atteinte de la dentine a très vite une répercussion sur le mésenchyme pulpaire. Par ailleurs, le degré de minéralisation de la dentine n’est pas homogène. Il existe en effet, autour de la lumière tubulaire, un manchon de dentine péri-tubulaire hyper-minéralisée qui se distingue du reste de la dentine intertubulaire.
CINETIQUE DE LA LESION CARIEUSE DENTINAIRE :
Si la progression de la carie est relativement lente dans l’émail, elle est beaucoup plus rapide dans la dentine. Ceci s’explique par : les différences dans la morphologie et le degré de minéralisation ( à la surface amélaire, les acides par le biofilm peuvent être partiellement neutralisés par les tampons salivaires, dans la carie dentinaire après cavitation, le pH de la plaque est beaucoup plus bas, entraînant une modification de la flore bactérienne qui devient plus acidogène Alors que la lésion nécrotique de l’émail est asymptomatique pour le patient, une fois la dentine atteinte, une sensibilité plus ou moins importante se produit en raison de la présence de liquide dentinaire dans les tubules, de l’extension des odontoblastes et des fibres nerveuses( le plexus de RASHKOV).
Modes de développement des caries dentaires
Trois types de lésions carieuses peuvent être observées :
> Caries actives (à développement rapide) dans lesquelles la dentine est pâle et lisse.
> Caries chroniques à croissance lente dans lesquelles les tissus sont bruns et plus solides.
> Arrêt de la carie dentaire où la dentine est noire, dure et brillante.
Caries dentinaires aux stades précavitaires
Sous l’émail déminéralisé non effondré.

Caries débutantes
Tant que la lésion n’a pas atteint le tiers interne de l’émail, les altérations dentinaires sont essentiellement intra-canaliculaires. Il faut pour l’essentiel conserver ces structures altérées potentiellement reminéralisables. C’est le fondement d’une odontologie conservatrice basée sur le modèle chirurgical peu moins invasif qu’autrefois.
Caries fermées avancées ou « caries cachées »
Le phénomène des caries cachées s’explique en général par le fait que la déminéralisation progresserait lentement au niveau de l’émail retardant d’autant la cavitation, du fait de l’environnement fluoré. La déminéralisation dentinaire serait
déclenchée à partir de micropertuis (non diagnostiqués) exposant le JAD et progressant plus rapidement que la déminéralisation de l’émail.
Caries dentinaires aux stades cavitaires
La carie acquiert alors une forme quasi pathognomonique décrite comme un cône carieux dentinaire dont la base se situe près de la JAD et qui se subdivise en trois zones : la dentine opaque, la dentine transparente et la dentine apparemment normale (Haïkel 2001).
La dentine opaque comporte elle-même trois zones :
– Une zone de désintégration totale, nécrotique, tapissée de colonies bactériennes, contenant parfois des débris alimentaires dès lors que l’émail surplombant a cédé et s’est effondré dans une cavité ouverte ;
– Une zone d’invasion bactérienne, ou couche de dentine infectée, constituée de dentine ramollie, de consistance cuir mâché, colorable à la fuchsine, fortement déminéralisée, contaminée par des bactéries présentes dans les canalicules dilatés du fait de la destruction de la dentine péri-canaliculaire.

– La zone de déminéralisation au niveau de laquelle se conjuguent l’action des acides et les enzymes protéolytiques. Cette zone, où ne sont infiltrées que les
bactéries pionnières, est assimilée à une couche non infectée, d’où sa dénomination historique de couche de dentine affectée.
– Une zone transparente marque la limite entre la dentine déminéralisée et la dentine apparemment normale. Cette zone apparaît translucide au microscope à contraste de phase, d’où son nom. C’est en fait une dentine sclérosée par suite de la minéralisation des canalicules.

DR : Dentine réactionnelle S : Sclérose dentinaire C : carie
Vitesse de progression des lésions
L’activité carieuse et la vitesse de progression des lésions sont directement reliées (Mjör 2001). La vitesse de progression dans la dentine va dépendre du rapport entre les facteurs pathogéniques et le degré de minéralisation de la structure dentinaire. Plus l’environnement est agressif et moins les tissus sont matures, plus les lésions sont actives et progressent rapidement. Si l’environnement bactérien à la surface de la lésion se modifie favorablement, la progression se ralentit, voire cesse, et les lésions deviennent inactives.
Lésion à progression lente
• Lésion nécrotique d’évolution lente :
L’évolution lente s’explique par l’élimination des minéraux moins agressifs qui permettent des réactions défensives. Avant que la déminéralisation atteigne la
dentine, des réactions d’hyperminéralisation de la dentine péri-canaliculaire et le dépôt de matériel minéral interviennent dans les canalicules situés sous la lésion amélaire, réduisant leur diamètre voire les oblitérant. Cette sécrétion initiale va constituer une réserve de matériel minéral qui, par la suite, sera mobilisée par les acides et pourra précipiter dans les zones dentinaires affectées de la lésion.
Lésions à progression rapide
Le métabolisme du biofilm cariogène peut être intense, du fait d’une hygiène orale inadéquate, d’un environnement pauvre en fluorures, d’une localisation au contact de tissus non encore matures. La destruction cavitaire de l’émail et de la dentine se produit alors plus rapidement, sur des périodes se comptant en semaines et en mois plutôt qu’en années.
La production continue d’acides fait obstacle à la reminéralisation, il en résulte des destructions rapides des odontoblastes sans oblitération sclérotique des canalicules. Le phénomène est décrit sous le nom de « tractus mort » (canalicules dentinaires vides) Les réactions inflammatoires pulpaires en regard seront plus intenses, s’accompagnant ou non de symptômes (douleurs fréquentes mais non systématiques). En l’absence de traitement, des lésions pulpaires apparaissent en permanence et l’inflammation se généralise à toute la pulpe, rendant la dépulpation inévitable.
CONCLUSION :
Il faut souligner que la transition entre ces différentes zones n’est pas aisée mais au contraire progressive, les frontières entre les zones sont floues, surtout dans le cas d’une lésion nécrotique d’évolution rapide.
La cinétique de la lésion dentinaire est très active. La détérioration de la structure dentinaire qui est la deuxième barrière protectrice de la pulpe entraînera inévitablement une inflammation de la pulpe (pulpite) entraînant le passage de toxines bactériennes dans le parenchyme pulpaire.