Lésions Parodontales Interradiculaire: Les lésions parodontales interradiculaires constituent l’une des complications les plus graves des parodontites, ce qui en fait un défi majeur en matière de soins parodontaux. Cependant, il est important de noter qu’une atteinte de la furcation n’entraîne pas nécessairement la perte de la dent, pourvu qu’une stratégie thérapeutique appropriée soit mise en place.
En ce qui concerne l’anatomie de la zone interradiculaire, il est important de souligner que les molaires maxillaires et mandibulaires, ainsi que les premières prémolaires maxillaires, présentent certaines caractéristiques particulières :
Lésions Parodontales Interradiculaire
Une furcation ou une voûte interradiculaire est une région anatomique où les racines d’une dent se séparent à partir d’une base commune, se divisant en une bifurcation ou une trifurcation, selon la terminologie de Prichard en 1977. La zone interradiculaire, quant à elle, est délimitée coronairement par la furcation, latéralement par les racines de la dent, et apicalement par le septum interradiculaire. Il est important de noter que le tronc radiculaire désigne la partie commune à toutes les racines d’une dent, s’étendant depuis la jonction émail-cément (JEC) jusqu’au sommet de la voûte interradiculaire, comme illustré dans la figure 1.
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Lorsqu’on se penche sur l’histologie de la zone interradiculaire, on observe des caractéristiques spécifiques :
- L’os interradiculaire :
- Il présente des zones de résorption localisées mais peu étendues, entourées de zones où l’os est en cours de formation. Il existe un équilibre entre l’activité des cellules ostéoclastes, responsables de la résorption osseuse, et celle des cellules ostéoblastes, chargées de la formation osseuse.
- Le cément :
- L’épaisseur du cément, la couche qui recouvre les racines, est significative. L’activité des cellules cémentoblastes, qui produisent le cément, est plus importante que celle des cellules cémentoclastes, qui le dégradent.
- Le desmodonte :
- Les fibres dans cette région sont moins denses et moins bien alignées par rapport à d’autres parties du parodonte. La plupart de ces fibres sont cémento-cémentaires, c’est-à-dire qu’elles relient le cément des différentes racines. Les fibres cémento-osseuses, qui relient le cément à l’os, sont absentes.
Il s’agit là de la définition de la lésion interradiculaire telle qu’enseignée dans le cours de Parodontologie de la 4ème année, qui se penche sur les affections liées à cette zone spécifique.
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Etiologies
Trois étiologies dominent l’origine des lésions interradiculaires :
1.1. Etiologie bactérienne
La plaque bactérienne (le biofilm dentaire) est l’agent étiologique principal des lésions interradiculaires. Elle initie une réaction inflammatoire conduisant à une destruction osseuse.
1.2. Etiologie endodontique
Il existe une interaction entre les pathologies pulpaire et parodontale au niveau des multiples canaux accessoires qui, s’ouvrent dans la furcation et le tiers coronaire des racines.
1.3. Etiologie occlusale
Les forces occlusales excessives peuvent engendrer un traumatisme occlusal au niveau de la région interradiculaire.
La perte d’attache serait plus rapide, si le traumatisme occlusal se combinait à l’inflammation.
Remarque
On peut avoir une destruction osseuse interradiculaire résultant de la combinaison de facteurs bactérien et endodontique : Lésions endoparodontales.
1 LIR : Lésion interradiculaire, appelée encore atteinte interradiculaire
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3. Facteurs prédisposant aux lésions interradiculaires
3.1. Anomalies embryologiques
Les perles et les projections d’émail fournissent un accès direct aux bactéries en direction de la furcation puisque aucune attache conjonctive ne peut se faire à ce niveau, donc elles contribuent à l’apparition de pathologie dans la région interradiculaire.
3.2. Hauteur du tronc radiculaire (TR)
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Figure 3 : Le tronc radiculaire 1. TR court 2. TR long
Le type du tronc radiculaire joue un rôle important pour expliquer l’étendue des lésions interradiculaires et le niveau des pertes d’attache.
L’envahissement pathologique de la furcation est plus rapide, si le tronc radiculaire est court, par contre, si le tronc radiculaire est long, le risque de la mise à nu de l’espace interradiculaire est faible (Cf. Fig 3).
3.3. Morphologie des racines
La face interne de la racine mésio-vestibulaire des molaires maxillaires et celle de la racine mésiale des molaires mandibulaires présentent une concavité accentuée. Ces caractéristiques anatomiques sont parfois à l’origine d’échecs endodontiques et prothétiques, de plus, ces concavités sont recouvertes d’une couche de cément plus épaisse que les convexités. Elles ont alors une capacité accrue d’absorber les endotoxines.
3.4. Largeur de l’espace interradiculaire
La largeur de l’entrée de l’espace interradiculaire et la divergence des racines ont tendance à diminuer de premières aux dernières molaires (particulièrement au niveau maxillaire).
Plus les racines sont verticales, avec un faible degré de divergence, plus la zone de furcation se trouve réduite et très vite détruite (Casullo et Matarazzo 1977).
3.5. Restaurations iatrogènes
Les surcontours ou les limites sous gingivales des restaurations, les obturations débordantes, les perforations radiculaires et celles du plancher pulpaire, et les fractures radiculaires pénétrantes amplifient encore le processus pathologique.
3.6. Tabac
La sévérité des lésions interradiculaires augmente avec la consommation du tabac.
4. Moyens de diagnostic
La meilleure façon d’identifier une LIR est de réaliser des examens clinique et radiologique. Il est essentiel de bien diagnostiquer une LIR au moment de l’étape du diagnostic, car le choix de la stratégie thérapeutique ainsi que le pronostic du traitement vont en découler.
4.1 Examen clinique
Il doit être soigneusement conduit : • Sondage parodontal
Le diagnostic de lésions interradiculaires est répertorié en fonction du degré de pénétration horizontale de la sonde dans l’espace furcatoire (Cf. Fig 4).
Figure 4 : Degrés de destruction osseuse interradiculaire
Le sondage parodontal permet :
– de vérifier l’intégrité de l’attache épithéliale et de la morphologie des lésions osseuses. L’utilisation de sonde spécifique de Nabers permet grâce à sa courbure de procéder à une évaluation topographique plus précise
(Cf. Fig 5).
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Figure 5 : Sonde de Nabers
– le dépistage d’une fistule provenant de l’apex suite à un problème endodontique (sondage ponctuel profond). Les cônes de Gutta ou la sonde parodontale sont utiles.
Le sondage horizontal est effectué :
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Figure 6 : Sondage horizontal des molaires avec la sonde de Nabers
– sur les molaires maxillaires : en vestibulaire entre les racines mésio-vestibulaire et distovestibulaire (Cf. Fig 6 a), en mésial entre les racines mésio-vestibulaire et palatine, et en distal entre les racines disto-vestibulaire et palatine (Cf. Fig6 b).
– sur les molaires mandibulaires : en vestibulaire
et lingual entre les racines mésiale et distale
(Cf. Fig 6 c).
- Tests de vitalité pulpaire
Ils peuvent nous aider à établir le diagnostic différentiel des lésions endodontiques pures ou associées (lésions endoparodontales).
- Mobilité dentaire
Elle est associée au LIR, Elle indique soit un niveau de destruction osseuse très avancée, soit l’association de traumatisme occlusal.
4.2. Examen radiologique
Le diagnostic peut également être confirmé grâce à l’utilisation de la radiographie intra buccale effectuée au long cône. Il permet de distinguer le degré de l’atteinte interradiculaire.
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5. Classifications
Cours de Parodontologie : 4ème année. Lésions interarticulaires
Plusieurs classifications ont été proposées.
5.1. Classification de Glickman en 1958
La classification regroupe quatre stades :
1erstade | Atteinte desmodontale au niveau de la furcation sans mise en évidence clinique ou radiographique de la lyse osseuse. | |
2èmestade | L’os est détruit au niveau d’une ou plusieurs faces de zone furcatoire, mais une partie de l’os et du desmodonte sont encore intactes, permettant une pénétration partielle de la sonde. | |
3èmestade | La zone furcatoire est obstruée par la gencive mais l’os est détruit à un degré assez important pour permettre le passage total de sonde dans une direction vestibulo-linguale ou mésio-distale. | |
4èmestade | Le parodonte a été détruit à un tel degré que la zone furcatoire est ouverte et permet facilement le passage de la sonde. |
Tableau 1 : Classification proposée par Glickman en 1958
5.2. Classification de Hamp et coll en 1975Ils ont distingué trois degrés de sévérité en fonction du sondage horizontal. Ce sondage est mesuré à partir de la tangente (imaginaire) de deux racines le long du dôme de la furcation. (Cf. Figure 7 et tableau 2) |
Figure 7 : Les trois degrés de LIR sur une coupe
horizontale de la portion radiculaire de la 16
(d’après Hamp et coll 1975)
Degrés 1D1 | Lésion présentant moins de 3 mm de perte d’attache horizontale. |
Degrés 2D2 | Lésion présentant de plus de 3 mm de perte d’attache horizontale, mais non traversant. |
Degrés 3D3 | Lésion de part en part. |
Tableau 2 : La classification des LIR selon Hamp et coll (1975)
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5.3. Classification de Tarnow et Fletcher en 1984 :
Cours de Parodontologie : 4ème année. Lésions interarticulaires
Elle complète la classification citée ci-dessus en y ajoutant la mesure verticale de la perte d’attache (entre le dôme de la furcation et l’os des deux racines limitrophes).
Trois sous-classes sont distinguées (Cf. Figure 8 et tableau 3).
Sous-classe A | Perte verticale de 1 à 3 mm |
Sous-classe B | Perte verticale de 4 à 6 mm |
Sous-classe C | Perte verticale de 7 mm et plus |
Tableau 3 : Les sous-classes des LIR selon Tarnow Figure 8 : Les trois sous-classes de LIR
et Fletcher (1984) sur une coupe verticale de la 16 (d’après
Tarnow et Fletcher en 1984)
5.4. Classification de Lindhé en 1985 :
Classe 1 | Pénétration horizontale du support osseux n’excédant le 1/3 de la largeur bucco-linguale/ palatine de la dent. | |
Classe 2 | Pénétration horizontale du support osseux supérieur au tiers, mais ne traversant pas la totalité de la région interradiculaire. | |
Classe3 | Pénétration horizontale de « part en part » de la région interradiculaire. | |
Tableau 4 : Classification proposée par Lindhé en 1985
6. Pronostic
Il dépend d’un grand nombre de facteurs et pourra être évalué qu’en tenant compte de tous les aspects spécifiques de chaque lésion.
Globalement, il conviendra de tenir compte des situations suivantes :
- La classe de la lésion.
- L’étendue tridimensionnelle de la zone atteinte.
- La morphologie de la surface radiculaire.
- Le nombre de racines conservées.
- La longueur, forme, et l’espacement des racines.
- Les possibilités d’accès pour l’établissement d’une prophylaxie.
- La présence de caries cémentaires.
- L’importance stratégique de la dent.
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7. Thérapeutiques
Les traitements des LIR dans le traitement parodontal présentent un problème principalement associé à l’anatomie complexe et irrégulière de la zone furcatoire qui favorise l’adhésion et la croissance du biofilm dentaire.
7.1 Différents types de traitement
Le principe du traitement suit trois grands axes : conservateur, résecteur et régénérateur.
7.1.1 Contrôle de la plaque dentaire
C’est une étape essentielle et indispensable pour la réussite du traitement, elle consiste à motiver et à enseigner le patient une méthode de brossage adéquate.
7.1.2 Traitements conservateurs
L’approche conservatrice vise à débrider les LIR et à modifier l’anatomie dentoparodontale, afin de faciliter l’accès au contrôle de la plaque dentaire.
Elle comprend :
7.1.2.1. Thérapeutiques non chirurgicales Elles font appel aux :
- Détartrage et surfaçage radiculaire : Ils permettent d’éliminer des dépôts mous et durs d’origine bactérienne situés à la surface de la couronne et des racines.
- Curetage aveugle : Il est difficile à réaliser dans les zones interradiculaires, même une curette fine ne peut pas accéder cette zone. L’instrumentation ultrasonique est très efficace que les curettes.
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- Les irrigations sous gingivales assurent un lavage des furcations, mais elles ne sont pas suffisantes.
- L’association des substances médicamenteuses (Métronidazole ou Tétracycline) n’apporte pas une amélioration clinique significative.
Cette mesure thérapeutique est indiquée dans le traitement de toutes les LIR.
7.1.2.2. Thérapeutiques chirurgicales
L’approche chirurgicale de par l’accès direct quelle procure, elle permet un meilleur débridement.
- Lambeaux d’assainissement associés ou non à l’ostéoplastie : Il semble que le curetage à ciel ouvert soit préférable et donne de résultats satisfaisants. Cet abord se fait avec un lambeau de Widman modifié. L’ostéoplastie ou l’ostéoctomie peuvent être associées pour remodeler l’os interradiculaire et lui donné une architecture physiologique.
- L’odontoplastie : Un remodelage par instrument rotatif de la substance dentaire au niveau de la couronne et/ou de la racine dans le but d’élargir l’entrée de la zone furcatoire. Elle permet d’éliminer les perles et les projections d’émail ou bien une couronne débordante.
- La tunnelisation : La zone furcatoire est rendue supra-gingivale et accessible au contrôle de la plaque. Les conditions anatomiques indispensables sont : la présence d’une gencive large et kératinisée et des racines suffisamment divergentes (Cf. Fig 9). Figure 9 : La tunnelisation
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