Physiopathologie de la douleur en Odontologie
Physiopathologie de la Douleur : Une Perspective Multidimensionnelle
La douleur est un phénomène complexe, multidimensionnel et plurifactoriel,
loin d’être une simple réaction univoque à une stimulation, qu’elle soit d’origine physique ou psychologique.
Il s’agit d’une expérience totalement subjective et comportementale,
influencée par divers facteurs, y compris sociaux, culturels, religieux et e th niq ues.
Rappel Anatomique :
Le système nerveux est un système biologique responsable de la coordination des actions
avec l’environnement extérieur et de la communication rapide entre les différentes parties du corps.
Il se compose de deux parties principales :
1. Système Nerveux Central (SNC) :
- Comprend l’encéphale (le cerveau) et la moelle épinière.
- L’encéphale contrôle de nombreuses fonctions du corps, notamment la perception, les mouvements, les sensations, les pensées, la parole et la mémoire.
Il se compose du cerveau, du tronc cérébral et du cervelet. - La moelle épinière est reliée à l’encéphale au niveau du tronc cérébral.
2. Système Nerveux Périphérique (SNP) :
- Composé de nerfs et de ganglions qui envoient des signaux au SNC et reçoivent des signaux de celui-ci.
Définition de la Douleur :
La douleur est définie comme “une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, associée à une lésion tissulaire réelle ou v, ou décrite en termes évoquant une telle lésion.”
Cette définition met en lumière la nature complexe de cette perception.
L’atteinte lésionnelle réelle :
Cela implique l’activation de récepteurs périphériques spécifiques,
comme dans le cas d’une blessure directe, telle qu’une coupure au doigt par un couteau, où la lésion est physique et directe.
L’atteinte potentielle :
Dans ce cas, il n’y a pas de lésion tissulaire périphérique évidente, mais il peut y avoir
des lésions au niveau du système nerveux central, comme lorsqu’une douleur due à une brûlure persiste même après que la source de chaleur a été retirée.
La description par le sujet “en termes d’une telle lésion” :
Cette composante de la définition souligne le rôle des aspects psychologiques dans la douleur, car la manière dont une personne décrit sa douleur peut refléter des éléments psychogènes.
En résumé, la douleur est une expérience subjective et comportementale en
réponse à un stimulus nociceptif, qu’il soit d’origine physique ou psychologique.
Elle est influencée par de nombreux facteurs, et sa compréhension exige une approche multidimensionnelle pour prendre en compte l’ensemble de ses facettes.
Physiopathologie de la douleur en Odontologie
Compréhension de la Douleur : Composantes, Types et Mécanismes
Quelques Définitions Sémiologiques :
- La douleur référée ou projetée : C’est une douleur perçue à distance de la zone où la lésion responsable se trouve.
- L’allodynie : Il s’agit d’une douleur déclenchée par des stimuli généralement non douloureux,
- tels que le toucher léger de la peau, en raison d’une baisse du seuil de détection des nocicepteurs.
Cela signifie qu’un stimulus normalement non douloureux provoque des sensations douloureuses. - L’hyperalgésie / L’hyperalgie : Il s’agit d’une réaction exagérée à une stimulation nociceptive
- due à une réduction du seuil de détection de la douleur.
Cela signifie que des stimuli douloureux normaux provoquent des douleurs plus intenses que prévu. - Nociception : Il s’agit du processus sensoriel qui permet de détecter, de percevoir et
- de réagir aux stimulations internes et externes potentiellement nocives pour l’organisme.
C’est ce processus sensoriel qui est à l’origine du message nerveux provoquant la douleur. - Physiopathologie de la douleur en Odontologie
Composantes de la Douleur :
En raison de sa nature multidimensionnelle, la douleur peut être divisée en trois principales composantes :
- Composante Sensori-Discriminative : Cette composante concerne la capacité à analyser la nature, la localisation, la durée et l’intensité de la stimulation douloureuse.
- Composante Affectivo-Émotionnelle : Toute douleur s’accompagne d’un impact sur
- les émotions et l’affectivité de la personne, pouvant engendrer de l’angoisse, de la dépression, de la peur et de l’anxiété.
- Composante Cognitivo-Comportementale : La douleur peut modifier le comportement
- de la personne, par exemple en induisant une fuite ou en influençant les aspects culturels et sociologiques liés à la perception de la douleur par le patient.
Types de Douleurs :
- Douleur Aiguë :
- Survenant brusquement, par exemple à la suite d’une blessure ou d’une opération.
- Souvent traitée efficacement par des médicaments antidouleur ou par l’anesthésie.
- Généralement, elle disparaît une fois que la cause sous-jacente est traitée.
- Douleur Chronique :
- Persiste sur une période prolongée, dépassant généralement 3 mois.
- Peut être constante ou varier en intensité au fil du temps.
- Les causes peuvent être à la fois organiques et psychologiques.
- Il est important de noter que les douleurs aiguës insuffisamment traitées peuvent évoluer en douleurs chroniques.
Mécanismes Physiopathologiques et Transmission de la Douleur :
La transmission de la douleur est un processus complexe impliquant des mécanismes électrophysiologiques et neurochimiques, se déroulant en trois étapes :
- Nociception : Il s’agit du processus initial de création de l’influx nerveux au niveau du
- nocicepteur et de sa transmission le long de la fibre nerveuse périphérique.
- Relais au Niveau de la C or n e Dorsale : À ce stade, le relais et la modulation de la douleur ont lieu dans la c or ne dorsale de la moelle épinière.
Cela implique la transmission de l’influx, le blocage ou l’amplification de celui-ci, ainsi que la convergence des différents influx. - Intégration au Niveau du Cerveau : Le signal douloureux est ensuite transmis au cerveau,
- où il est transformé en une sensation consciente de douleur.
Cette sensation comprend une composante sensori-discriminative (pour déterminer l’intensité, - la localisation et la durée de la douleur) ainsi qu’une composante émotionnelle et affective désagréable.
Les voies de transmission de la douleur, de la stimulation initiale à son intégration cérébrale, impliquent plusieurs neurones, dont les relais se font à deux niveaux :
- Le premier neurone est appelé proto-neurone et va de la fibre périphérique à la c or ne dorsale de la moelle épinière.
- Le deuxième neurone est le deuto-neurone (spino-thalamique) qui va de la moelle épinière jusqu’au thalamus.
- Le troisième neurone, ou neurone de troisième ordre (thalamo-cortical), transmet le signal du thalamus vers le cortex cérébral.
La compréhension de ces mécanismes est essentielle pour mieux appréhender la douleur et développer des approches thérapeutiques appropriées.
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- 1er relais (spinal) : C or ne postérieure de la moelle épinière.
- 2ème relais (thalamique): Thalamus.
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Mécanismes Physiopathologiques de la Douleur : De la Périphérie à la Moelle Épinière
La perception de la douleur est un processus complexe qui implique plusieurs étapes, de la périphérie à la moelle épinière. Voici les principaux éléments de ces mécanismes physiopathologiques :
Les Nocicepteurs :
Ce sont des récepteurs périphériques de la douleur qui se trouvent dans la peau, les viscères, les muscles, les articulations et les tendons.
Pratiquement tous les organes sont équipés de nocicepteurs, à l’exception du cerveau (seules les méninges en sont équipées).
Ces nocicepteurs sont constitués de terminaisons nerveuses libres capables de détecter des stimulations nociceptives et de coder l’intensité du stimulus. Ils sont liés à des fibres nerveuses appelées “afférences primaires” dont les corps cellulaires se trouvent dans les ganglions rachidiens.
Activation des Nocicepteurs :
- Les nocicepteurs peuvent être activés par des lésions tissulaires directes,
- telles que des blessures, mais aussi de manière indirecte par des substances algogènes endogènes libérées par les tissus endommagés.
- L’activation de ces nocicepteurs résulte de l’action de médiateurs chimiques libérés sur le site de la lésion, ce qui crée une sorte de “soupe inflammatoire”.
Substances Algogènes :
Les lésions tissulaires et l’inflammation provoquent la production de nombreux médiateurs qui,
directement ou indirectement, contribuent à la sensibilisation des fibres afférentes périphériques.
Ces médiateurs chimiques, neurotransmetteurs et neuromodulateurs périphériques sont nombreux,
d’où le terme de “soupe inflammatoire”.
Ils sont libérés à partir des tissus lésés, des cellules sanguines (plaquettes, polynucléaires, mastocytes), des macrophages et des terminaisons des fibres afférentes, y compris la substance P.
Parmi ces substances, on peut distinguer :
- La bradykinine : Un maillon chimique essentiel qui favorise l’augmentation de la perméabilité vasculaire et la vasodilatation.
- Les prostaglandines (PG) : Bien qu’elles ne soient pas directement algogènes,
- elles sensibilisent les nocicepteurs à l’action d’autres substances en abaissant le seuil d’activation.
- L’histamine : Elle provoque d’abord des démangeaisons (prurit) puis des douleurs. L’histamine est libérée lors de la dégranulation des mastocytes.
Voies Afférentes Périphériques :
Les voies afférentes périphériques sont responsables de la transmission de la sensibilité de la périphérie (site de la douleur) vers la moelle épinière.
Il existe trois groupes de fibres nerveuses dans un nerf sensitif :
- Les fibres Aβ de gros calibre, fortement myélinisées, sont responsables de la sensibilité tactile et proprioceptive.
- Les fibres Aδ de calibre moyen, moyennement myélinisées, et les fibres C amyéliniques sont spécifiques de la douleur.
Toutes ces fibres passent par le ganglion spinal sur la racine postérieure de la moelle épinière,
puis rejoignent la c or ne dorsale spinale, où elles transmettent les signaux de douleur et de sensibilité.
Comprendre ces mécanismes est essentiel pour élucider la complexité de la douleur et développer des stratégies thérapeutiques appropriées.
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- Après activation des nocicepteurs, le message est véhiculé jusqu’à la c o rn e postérieure de la moelle par les fibres de petit calibre A-delta faiblement myélinisées, responsables de la douleur localisée et précise à type de piqure et par les fibres non myélinisées, fibre C,
- responsables de la douleur diffuse, mal localisée, tardive à type de brûlure.
- Les afférences primaires fortement myélinisées A-alpha-bêta, répondent aux stimulations mécaniques modérées comme le tact ou le toucher, mais ne répondent pas aux stimulations nociceptives.
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Mécanismes Physiopathologiques de la Douleur : De la Moelle Épinière au Cerveau
Une fois que les signaux de douleur ont atteint la moelle épinière, plusieurs mécanismes interviennent pour transmettre ces signaux au cerveau et permettre la perception de la douleur.
Voici comment cela se déroule :
La Co r n e Dorsale Spinale :
Les fibres afférentes de la douleur arrivent dans la c or n e postérieure de la moelle épinière après leur trajet dans les nerfs périphériques.
À ce niveau, les principaux neuromédiateurs de la douleur libérés par les fibres Aδ et C dans l’espace synaptique sont le glutamate et la substance P.
Glutamate :
- Il s’agit d’un neurotransmetteur excitateur puissant qui participe à la transmission de la douleur.
Substance P :
- Elle est considérée comme le principal neurotransmetteur de la douleur et joue un rôle majeur dans la perception de la douleur.
Voies Spinales Ascendantes :
Les neurones nociceptifs de la co rne dorsale spinale décussent, c’est-à-dire qu’ils croisent au niveau de la commissure grise ventrale de la moelle épinière, puis ils atteignent le cordon antérolatéral
controlatéral de la moelle épinière pour former le faisceau spinothalamique (situé dans la substance blanche).
Ce faisceau permet la transmission du message nociceptif jusqu’au thalamus, situé dans le cerveau.
- Le faisceau spinothalamique transporte la composante sensorielle discriminative de la douleur, qui comprend des informations sur l’emplacement, l’intensité et la nature de la douleur.
- Il transporte également la composante émotionnelle et affective de la douleur,
- qui englobe le caractère désagréable de la douleur et peut déclencher des réponses de fuite ou de défense.
Au Niveau du Cerveau :
C’est au niveau du cortex cérébral que l’organisme prend conscience du caractère douloureux de l’information et devient capable de discerner la localisation de la douleur.
Mécanismes de Contrôle de la Douleur :
Les voies nociceptives afférentes sont régulées en permanence par des systèmes, principalement inhibiteurs, au niveau de leurs divers relais centraux (spinaux et thalamiques) :
Au Niveau Spinal :
Deux mécanismes de contrôle sont importants :
La Théorie du “Gate Control” :
Cette théorie suggère que les messages nociceptifs des fibres Aδ et C peuvent être bloqués à leur entrée dans la c o rne postérieure de la moelle épinière par l’action inhibitrice des fibres de gros calibre A et Aβ,
qui véhiculent des messages tactiles non nociceptifs.
Ainsi, le cerveau peut fermer une “porte” pour réduire la perception de la douleur.
Le Système Opioïde :
Des récepteurs aux endorphines (opiacés) sont présents dans la c o r ne dorsale de la moelle épinière.
L’activation de ces récepteurs entraîne une inhibition de la co rn e dorsale. Les endorphines sont des peptides endogènes qui imitent l’action de la morphine et se fixent sur les récepteurs opiacés.
Au Niveau Supraspinal :
Les voies descendantes en provenance du cerveau modulent l’intensité de la douleur.
Ces voies provoquent une diminution de l’activité des neurones nociceptifs de la moelle épinière, ce qui est connu sous le nom de “Contrôle Inhibiteur Descendant.”
- Le contrôle par les centres supérieurs du système nerveux central permet de moduler
- principalement l’aspect désagréable de la douleur en gérant la composante émotivo-affective de la perception de la douleur.
En conclusion,
La transmission de la douleur implique un parcours complexe avec des relais,
des modulations et l’implication de nombreux neurotransmetteurs et neuromodulateurs.
Ces mécanismes visent à créer un équilibre naturel pour atténuer l’expression de la douleur.
Lorsque cet équilibre est perturbé, cela peut conduire à différentes formes de douleur, notamment des douleurs nociceptives, neuropathiques et psychogènes.
L’évaluation du patient douloureux est essentielle pour comprendre les caractéristiques de la douleur et adapter le traitement en conséquence.
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